Le dimanche était ton unique jour, celui du soleil invaincu qui revenait éternellement sur les piliers de Conques comme les arbres d’une forêt élevée. Tu as vécu en ermite parmi les hommes en ayant cette force consciente, que toutes les petits choses insignifiantes de nos vies, étayaient l’architecture du monde. C’est bien être ermite, c’est être assis au bord du monde et observer de loin le monde de près. C’est regarder les Hommes tout près des poussières du cœur, sans aller vivre à leur côté dans la cité, les petits détails sur lesquels ils s’affrontent. C’est regarder les particules de lumières et leurs reflets avec d’autres ermites de son temps au-delà du noir et se rassurer ensemble de la folie étrange de nos regards. Être ermite c’est donner la force à celui qui vacille de se lever le matin pour éclairer son propre chemin et trouver sa propre paix, et s’apercevoir que le chemin ne s’illumine qu’à plusieurs, avec les plus petites et les plus faibles des lueurs amassées ensembles. Les ermites de nos jours vivent parmi les Hommes et fondent la ” Civilisation des Poètes ” comme une terre au fond de soi qui se composte. Comme on engendrerait la noirceur d’une étoile, de sa lueur en cours de formation sous les gaz et les étoffes fumantes de ce qui tend cyclique… à s’effondrer. Une filante… voilà ce qu’aura été ton chant d’étoile.

Éclairer dans sa propre nuit… la nuit des autres…

Hommage à Christian Bobin

Lumineusement Nicolas Bonnafous

Je regardais par la petite fenêtre le froid qui venait du parc et glissait dans la maison, c’était le premier matin de l’automne. Sous les grands arbres entre les longues racines, les feuilles commençaient à revenir à la terre. Le soleil peinait à traverser ce froid matinal, il brillait fortement, mais semblait loin, si loin… C’était l’odeur des rentrées scolaires, pas celui des encres et des parquets, celui de la terre qui remontait au soleil, dans cette fine et douce lumière d’eau suspendue le ciel s’évaporait et remontait tout les matins. Comme un voile me laissant penser que la nuit il se passait quelque chose de magique et de puissant, le ciel faisait l’amour avec la terre. Je n’avais pas d’autres explications, comment pousserait les arbres et la vie, si le ciel et la terre ne se rencontraient pas ?
Le premier matin de l’automne

Nicolas Bonnafous

C’était du rugby

Je ne comprenais pas la chose, dans les faits il ne s’était rien passé…
Juste une vessie de porc gonflée et croûtée de cuir, aplatie et posée dans l’herbe…
Tu posais le ballon avant la ligne blanche il ne se passait rien. Tu le posais après la ligne :
hurlements et foules en liasse…
Tous criaient de joie comme un seul homme.
Une pulsation sanguine poussait et éclatait de cette arène en guerre terrifiante, une artère hurlant sa haine violente contenue par toutes les lois et son rang social. Faites de coups de bleus et de sang unifié. Une nouvelle force étrange liait le groupe et la foule. C’était du rugby…
Mais des lignes, des illusions et des mythologies. J’en voyais partout..
Alors tu te conforme aux lignes aux bras levés,
aux fêtes aux mythes et aux lois de ce qui
m’apparaissait, illusions collectives…
Longtemps se fût des illusions claires et les
illusions quand tu les vois tu perds le goût et
l’intérêt pour les choses et la vie…
Mais quand tu nais enfant avec cette lucidité, les illusions et les mythologies se confondent.
Il faut du temps et de la réflexion, beaucoup de pertes de souffrances et d’amours … Et s’effacer soi-même. Et s’apercevoir que derrière les modes, qui apparaissaient illusoires, derrière tous les réflexes les accents et les célébrations bruyantes.
Se cachent de longues mémoires liants les hommes…
Comme les gros accrochent les maillots. On agrippe et on lie les ingrédients d’une bonne mêlée humaine…

Nicolas Bonnafous

Un monde plus vaste

Tu m’as pris par la main Nous sommes descendus dans le noir près du fleuve.

Les sons des accordéons résonnaient partout ce soir-là.

Tu as pris soin de m’appuyer doucement sur le grand chêne, celui tout près, sous la statue de la vierge.

Après m’avoir dit cette phrase tu es divinement beau, nous avons souri tous les deux.

Et aussi tendrement que surprenant, maladroitement, tu m’as embrassé.

Je ne savais pas ce qu’était la beauté, ni même ce mot et même je m’en foutais, mais j’avais remarqué quand tu rentrais dans une pièce tu semblais occuper tout l’espace et tu captais toute l’attention et le plus beau c’était que tu ne le savais pas, et moi non plus et c’est peut-être un peu ça la beauté et c’est tant mieux.

Je n’ai jamais vraiment su si c’était l’arbre ou tes bras qui m’avaient emporté, tes lèvres ou le vent dans les feuilles, si même tu avais existé, mais ce soir-là, j’avais embrassé le monde et ça j’en étais sûr !!!

Ton cœur de femme m’avait ouvert un horizon que seuls les couchés de soleils ou l’ivresse du vin m’avaient laissé entrevoir, un monde plus grand sûrement se présentait toujours devant, et nous entourait…

Nicolas Bonnafous

Une pétale pourprée de ton cœur…

J’ai creusé la terre à pleine main longtemps après ta mort,

Ton corps avait disparu …

Une pétale rose pourprée de ton cœur restait là… posé à deux mètres sous la surface de la Terre, à l’endroit où les vivants viennent à vous.

Toutes les morts ressemblent à ta mort…

Là où le ciel rencontre, fait l’amour avec la terre et enfante le monde – le prêtre avait levé les mains légèrement écartées et sous la coupole du ciel de la tempérance – de la colère lente il avait annoncé le retour calme de la terre à la terre.

Cela m’avait bien plu et même apaisé…

Toutes les choses de la vie étaient balayées et l’illusoire des fiertés formait une statue autrefois adorée, qui retombait en fines larmes sur le sol.

Tu étais de l’autre côté… juste à côté de la surface…

Si près,

Et les jours de vent léger on arrive parfois à se toucher l’âme…

Nicolas Bonnafous

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